Patrice des Moutis, la bête noire du PMU des années 60
Dans les années 1960, un aristocrate normand, Patrice des Moutis, était la bête noire du PMU, à l’image de l’ingénieur Robert Riblet, devenu de nos jours le cauchemar de la FDJ et de ses jeux de grattage.
En réussissant à mettre en place un système quasi-infaillible, il amassera des sommes colossales en pariant sur les courses des chevaux et s’adaptera toujours aux évolutions réglementaires opérées par le PMU (Pari Mutuel Urbain).
Finalement, celui que l’on a surnommé le « Prince des parieurs » sera arrêté après avoir franchi les limites de la loi pour gagner un ultime tiercé. Découverte de l’histoire hors du commun de Patrice des Moutis.
L’avènement du tiercé tout d’abord !
Si le PMU est créé en 1931, c’est en 1954 qu’il connait un vrai développement après qu’André Carrus ait eu la géniale idée d’inventer le tiercé.
Le principe est simple, les joueurs doivent trouver dans l’ordre exact ou dans le désordre les chevaux qui prendront les trois premières places d’une course hippique.
C’est à Enghien, dans le Val d’Oise, qu’est organisé le premier tiercé mais cette nouvelle forme de paris hippiques peine à prendre.
Toutefois, la donne va vite changer et le tiercé va devenir l’occupation dominicale de nombreux Français. Puisque le pari mutuel repose sur le fait que les joueurs chanceux gagnent ce que les autres perdent, l’Etat va longtemps être le seul grand gagnant grâce à la taxe qu’il prélève sur les mises des paris hippiques.
Le « système » de Patrice des Moutis prend forme
A partir de 1958, un joueur va néanmoins entrer dans l’histoire du PMU et pas qu’un peu ! Il s’agit de Patrice des Moutis, un aristocrate normand âgé de 38 ans. Après qu’un ami lui ait parlé du tiercé, il se renseigne sur ce jeu et trois éléments le marquent : le montant de la cagnotte, les prélèvements modérés et l’importance des petits enjeux.
Diplômé de l’Ecole Centrale, Patrice des Moutis ne tarde pas à mettre en place un système qui lui permettra de se faire un nom sur les champs de courses. Il le teste pendant l’été 1958 avec de petites mises et s’assure qu’il fonctionne.
Le 11 novembre 1958, Patrice des Moutis commencera donc à sévir: 18 chevaux sont partants. Le favori ne fait aucun doute et neuf chevaux semblent incapables de se hisser sur le podium.
Patrice des Moutis mise donc sur le favori pour la victoire et parie sur toutes les combinaisons qui lui semblent probables pour les 2ème et 3ème place.
Au final, il joue donc 42 combinaisons à 200 francs avec un coefficient 35 soit l’équivalent d’un montant de 294 000 francs mais le jeu en vaudra la chandelle puisque Patrice des Moutis empoche 35 fois le tiercé dans l’ordre et 35 fois le tiercé dans le désordre soit 22 millions de francs !
Au fil des semaines, il perfectionne son système en détectant les courses qui valent le coup d’être jouées ou non et mise des sommes de plus en plus importantes. Le PMU en a marre de payer les paris gagnants de Patrice des Moutis d’autant que l’Etat empoche quant à lui 22% des mises…
Le 14 juillet 1961, Patrice des Moutis réussit un nouveau gros coup en empochant 500 fois le tiercé dans l’ordre et 2500 fois le tiercé dans le désordre !
Rien ne semble en mesure de l’arrêter d’autant que l’argent à sa disposition est de plus en plus important et qu’il a donc la possibilité de s’assurer d’empocher le maximum de gains en multipliant les combinaisons face à d’autres parieurs qui ne misent que sur 1 voire 2 combinaisons.
Rien ne va plus pour le PMU, Patrice des Moutis est sa bête noire !
André Carrus, qui gère à cette époque le PMU, a peur que les joueurs fuient les champs de courses face à ce joueur qui « joue fort intelligemment ».
A la fin de l’été 1961, un décret vient ainsi modifier les règles des paris et il est désormais interdit de miser plus de 25 fois sur une même combinaison sur un même ticket.
Mais ce décret a une faille et Patrice des Moutis va la saisir dès la fin de l’année 1961. S’il ne peut jouer que 25 fois une combinaison sur un ticket, rien ne l’empêche de jouer plusieurs tickets !
« Beau joueur » comme il le dira à André Carrus, Patrice des Moutis ne jouera ce jour-là qu’avec un coefficient de 100. Mais son système se montre encore parfaitement efficace et il empoche donc 5 400 000 francs.
Le PMU alors (!) modifie une nouvelle fois les règles du jeu en interdisant qu’un parieur ne puisse jouer au-delà du coefficient 25 dans un bureau (les cafetiers de l’époque).
Mais Patrice des Moutis trouvera la parade encore une fois en jouant dans 92 bureaux PMU différents au cœur de la capitale. Cette fois, le gain est de 55 000 000 de francs.
A l’image de Robert Riblet, la bête noire de la FDJ pour les jeux de grattage, la bête noire du PMU continue d’aspirer intelligemment les caisses du Pari Mutuel urbain !
Encore une fois (!), un nouveau décret est mis en place et personne ne pourra jouer plus de 60 francs sur un même tiercé ou sur des tiercés englobés dans une formule combinée.
Avec ce nouveau décret, Patrice des Moutis voit donc son système devenir inopérant, quoique, le « Prince des parieurs » va encore frapper la cagnotte du PMU, eh oui, et pas qu’un peu !
Le pari de trop pour Patrice des Moutis ?
Toutefois, lors du prix de Bordeaux, le 7 décembre 1962, le PMU observe que 83 parieurs dont des proches de leur « ennemi public » ont joué la même combinaison…
Ils ont empoché un nouveau pactole de 4 100 000 francs. Seulement, cette fois, cela est illégal puisque contraire au règlement de l’opérateur de paris hippiques.
Les gains des 83 parieurs se retrouvent bloqués et le PMU pose une plainte contre X – d’où le surnom « Monsieur X » attribué à Patrice des Moutis – pour tentative d’escroquerie.
Vidéo de Patrice des Moutis qui s’explique à ce sujet.
S’il s’avèrera plus tard que de nombreux complices étaient des repris de justice appartenant au « milieu », le « prince des parieurs » sera bel et bien détruit par son passage en prison qui sera responsable, aux dires de ses proches, de son suicide en 1975, quelques jours seulement avant la tenue d’un procès qui aurait pu permettre de faire la lumière sur l’énigme du prix de Bordeaux.
Madame des Moutis défend son mari décédé et accuse…
Pour son ami Alain Ayache tout comme pour son épouse, c’est en tout cas bel et bien le juge d’instruction qui l’a placé en détention préventive qui doit être tenu pour responsable de sa mort puisque celui-ci a été « brisé » lorsqu’il se retrouvait derrière les barreaux.
Le suicide de Patrice des Moutis n’a d’ailleurs point surpris son entourage qui le savait faible et qui croit dur comme fer en son innocence.
En se suicidant, celui qui a mis sa connaissance des mathématiques à profit pour briller sur les champs de courses, a en tout cas sauvé la fortune de sa famille et montré qu’il préférait disparaître plutôt que de répondre aux accusations.
Il écrira juste avant de mourir qu’il n’ « a commis aucun délit » ce qui conduira son épouse à le défendre avec courage et véhémence (voir les vidéos ci-dessous) pour que son honneur soit sauf.
On ne saura néanmoins jamais s’il était réellement l’escroc qu’a voulu en faire la justice et la PMU. En tous les cas, cette affaire n’est pas claire selon notre avis.
Vidéo : Madame des Moutis à l’incontournable émission
de Michel Polac, « Droit de réponse ».
Vidéo : Madame des Moutis accuse haut et fort toujours
dans l’émission de Michel Polac, « Droit de réponse ».