Kapital, notre avis sur ce jeu de société de sociologie incontournable !
Kapital est un jeu de société assez éloigné des sentiers battus !
En effet, ce jeu de sociologie se présente certes sous l’enseigne du divertissement, mais véhicule un tout autre projet — en plus de l’amusement.
Kapital rassemble tous les codes qui font le succès d’un jeu de société : il est au croisement du Monopoly et du jeu de l’oie, mais inclut également un appareil critique social, conçu pour dénoncer les normes sociologiques de classes que l’on connaît actuellement.
Dans cet article, nous allons vous présenter et vous donner notre avis sur ce jeu de société dont les classes sociales sont le fer de lance.
La naissance et l’esprit de Kapital
Le jeu de société Kapital a été créé par le couple de sociologues français contemporains le plus célèbre du monde : Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon.
Sorti à l’automne 2019, ce jeu de plateau entend renverser la société de classes sur elle-même, le temps d’une partie, sur un rectangle.
En effet, les ex-directeurs de recherche au CNRS ont voulu diffuser d’une tout autre manière leurs travaux critiques sur les élites et l’ultra-bourgeoisie.
Kapital est donc définitivement un jeu de gauche qui a pour but d’amuser ceux qui s’y prêtent dans un sens politico-ludique.
Par ailleurs, il est important de noter que Kapital est le premier jeu de société inspiré de la sociologie critique.
Ainsi, petit conseil (et ce n’est que notre avis), si vous souhaitez vous amuser totalement, invitez vos amis de droite pour dîner, et sortez-leur ce jeu pour le dessert : effet de surprise garanti !
Le concept du jeu de société Kapital
Il nous a paru naturel de nous approfondir un peu plus sur le concept que renferme le jeu Kapital.
Avant tout, ce jeu de plateau a été conçu pour refléter le plus possible la réalité sociale observée et étudiée par les sociologues.
En effet, le capital financier n’est en réalité qu’un élément déterminant de la position que peut occuper une personne dans la société. Certes, ce dernier est important, mais d’autres entités entrent en jeu.
Le capital social par exemple — c’est-à-dire le réseau social constitué auquel peut accéder à tout moment un individu — est tout aussi avantageux, car il lui permettra de se placer plus facilement sur le marché du travail.
Autre exemple, le capital culturel que nous pouvons hériter de nos parents ou de notre famille nous facilitera plus amplement la réussite scolaire, et de ce fait l’accès aux Grandes Écoles, ce qui mènera automatiquement à une position et à un emploi privilégiés.
Bref, le jeu Kapital s’emploie à prendre en compte plusieurs formes de « capital » et a réussi à les intégrer dans ce rectangle rouge.
À notre avis, ce jeu de société ou de plateau, c’est comme vous voulez, peut aisément se prévaloir d’être à la fois intelligent et ludique, tout comme ce jeu qui a suscité une vive polémique.
Alors alors ! Qui a dit que l’on ne pouvait pas apprendre en s’amusant ?
Le succès indéniable de Kapital
Victime de son succès dès sa sortie, le jeu Kapital s’est vendu à plus de 10 000 exemplaires en moins de trois semaines. Mais comment expliquer un tel engouement ?
Selon Monique et Michel Pinçon-Charlot, la réussite de ce jeu est due à son réalisme.
En effet, peu de jeux de société incarnent la réalité telle qu’elle est vécue par le plus grand nombre, à savoir « les dominés ». Kapital exprime avec humour et légèreté une violence sociale que nous vivons au quotidien.
À cet égard, Monique Pinçon-Charlot dit que « la violence dans les relations sociales, de domination et d’exploitation, est devenue telle à l’époque que nous traversons, qu’elle n’est plus une lutte de classe. C’est une guerre ».
Ainsi et bien que cette guerre nous soit invisible au quotidien, le jeu de société Kapital nous permet de la reconstituer, le temps d’une soirée, entre amis ou en famille !
Comment se joue Kapital ?
Kapital est composé d’un plateau de jeu fait de 82 cases sur lesquelles on peut évoluer, 5 pièces de jeu figurines, 400 billets, 100 cartes action et un dé.
Tous ces éléments sont rangés dans une belle boite rouge (nous vous le redisons encore : le communisme teinte chaque parcelle de ce jeu de société, couleur politique du couple Pinçon-Charlot).
Une fois le dé lancé, vous serez amené à être soit « dominant », soit « dominé », selon le premier lancer de dé et les points obtenus.
Le but du jeu est d’accumuler le plus de capital possible sous différentes formes : social, symbolique, culturel, financier, suivant les bons vieux préceptes de la sociologie bourdieusienne (relative au sociologue Pierre Bourdieu).
Aussi, le jeu de société Kapital permet des parties allant de 2 à 4 personnes et est accessible à partir de 9 ans. Par ailleurs, Kapital dispose d’un plateau constitué d’un chemin serpenté disposé en échelle.
Vous déplacez vos pièces sur 82 carrés (nombre qui fait référence à l’espérance de vie moyenne en France). En effet, la première case correspond à la naissance quand la quatre-vingt-deuxième représente le paradis — fiscal.
Petit exemple ! Si vous lancez le dé et que vous atterrissez sur la case « Grève générale », vous devrez alors sauter un tour tout en perdant 30 K en capital financier (le K est la monnaie de jeu de Kapital).
La case « Révolution » permet de redistribuer toute la richesse entre les joueurs. Bref, Kapital est truffé d’éléments qui font de ce jeu de société un jeu drôle, engagé et intelligent à la fois.
À chaque tour, chaque joueur pioche une carte dans une pile désignée et la lit à haute voix. Par exemple, une carte peut vous demander de rendre une certaine somme en capital financier (disons 10 K), et de prendre 10 K en capital social.
Kapital : l’anti-Monopoly par excellence ?
Historiquement, Monopoly est un jeu qui a été édité en 1904, comme étant une critique de gauche contre la privatisation de la propriété — surtout foncière.
Depuis, cette révolte anticapitaliste par le jeu a été perdue à cause de l’amnésie que provoque le temps, mais aussi pour l’attrait des joueurs de Monopoly pour l’accumulation des chemins de fer, des villes et des hôtels.
Pinçon-Charlot ont basé Kapital sur ce fondement et ont repris les nouveaux codes de Monopoly pour les renverser afin que l’on puisse retrouver les vraies valeurs de ce jeu mythique.
En tout cas, comme Monopoly, Kapital est en parfaite phase avec l’époque capitaliste qui se doit d’être critiquée par tous les moyens.
Notre avis sur ce jeu de société hors norme
Kapital est un jeu de société très intéressant sur le plan intellectuel et ludique. En effet, il est orienté de manière à amuser les participants tout en leur octroyant des leçons de sociologie critique.
Son niveau de difficulté semble intermédiaire bien qu’à notre avis, il serait accessible à n’importe quelle personne qui prendrait le temps de s’intéresser aux bases de la sociologie critique et surtout, de lire attentivement la notice explicative.
Toutefois, ce jeu de société peut être mal appréhendé si la personnalité du potentiel joueur a une tendance politique plutôt positionnée à droite, voire dominante du point de vue de la sociologie.
Dans ce cas et pour pouvoir apprécier ce jeu, il faut vraiment être muni d’une bonne dose d’humour et être blindé de second degré !
Kapital : les points forts
- Le premier jeu de société orienté vers la sociologie de classes ;
- Une œuvre des célèbres Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon ;
- Un serious game amusant, truffé d’humour et intelligent ;
- Un graphisme d’excellente qualité, réalisé par le célèbre dessinateur de BD Étienne Lécroart.
Kapital : les points faibles
- Kapital est un jeu politisé, conçu pour flatter la gauche et dénigrer la droite ;
- Bien qu’il soit accessible, Kapital sera plutôt difficile à appréhender si l’on n’a aucune notion de politique ou de sociologie.