Bilan de l’ouverture des jeux d’argent en ligne depuis la loi en France
Le 12 Mai 2010, l’Etat Français promulguait sa loi d’ouverture des jeux en ligne à la concurrence. Sous la pression de la Commission Européenne, la France met ainsi fin à l’interdiction des jeux d’argent, mais aussi aux monopoles détenus par le PMU et la Française des Jeux (FDJ).
Si cette loi a offert un cadre juridique aux jeux d’argent en ligne, elle a néanmoins souffert de vives critiques et cela dès 2011. Aussi, quel bilan pour le secteur est-il possible de tirer près de 4 ans après la mise en place de cette réglementation ?
Voilà maintenant près de 4 ans que la loi sur l’ouverture des jeux en ligne à la concurrence est en place et force est de constater, que si les principes fondamentaux posés par la loi ne sont pas à remettre en cause, de nombreuses failles méritent des précisions.
C’est d’ailleurs à l’importance de revoir rapidement la loi de 2010 que se sont intéressés divers rapports conduits par des professionnels ou des parlementaires et ceci depuis 2011.
Les propositions du Sénateur Trucy pour les jeux d’argent en ligne
Dans un rapport de 2011, le Sénateur François Trucy mettait ainsi en avant différents points complémentaires qu’il serait bon de préciser dans la loi originelle.
En effet, selon lui, les principes de l’interventionnisme de l’Etat dans le secteur des jeux d’argent en ligne étaient parfaitement explicités et correspondaient complètement aux besoins en la matière. En revanche, les moyens d’action proposés par la loi étaient souvent réduits au strict minimum.
Ce rapport préconisait, par exemple, en terme de protection des mineurs, d’aller plus loin que la simple saisie sur le site de l’opérateur d’une date de naissance avant d’envoyer quelques semaines plus tard une photocopie de la carte d’identité.
Le rapport Trucy estimait ainsi qu’il était indispensable d’intégrer au processus de contrôle des joueurs le secteur bancaire, au moins pour limiter les dépôts d’argent entre l’inscription et la validation du compte par l’opérateur.
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Autre mission de l’Etat, prévenir les activités frauduleuses ou criminelles. Si la mission est capitale, reste que l’Etat ne peut qu’être désemparé face à cette tâche.
Entre le piratage de données, la présence sur Internet de plus en plus de robots espions ou encore, l’essor des usurpations d’identité, gérer la Toile est de plus en plus compliqué.
Or, la loi du 12 Mai 2010 se veut beaucoup trop évasive en ce domaine d’action, il est donc capitale de définir au plus vite des moyens efficaces permettant à l’Etat de remplir ses missions.
Autant dire donc que la loi du 12 Mai 2010 aura eu le mérite au moins « d’encadrer » le secteur des jeux d’argent en ligne en accordant beaucoup d’importance aux risques potentiels du secteur.
Le seul reproche qui peut alors être fait est que la protection du consommateur va souvent dans le sens de la limitation du marché, ce qui peut être contre-productif et expliquer que le marché ne connait pas la croissance espérée par les opérateurs…
Pour autant, les difficultés connues par le secteur ne sont pas que le fait de l’interventionnisme de l’Etat, et peuvent s’expliquer par l’absence d’une harmonisation législative au niveau européen.
Le « Livre Vert » sur les jeux d’argent en ligne de la Commission Européenne invitait d’ailleurs l’Europe à trouver des solutions concrètes pour que les principes fondamentaux (lutte contre la criminalité, protection des joueurs, …) puissent être pleinement respectés.
Difficile néanmoins d’atteindre ce résultat dans un monde ouvert lorsque l’on sait que toutes les réglementations nationales sont différentes, tant dans la fiscalité des opérateurs que dans la nature des jeux autorisés ou interdits.
Pour exemple en France, le poker, les paris hippiques et sportifs sont autorisés désormais par la loi. En Italie, tous les jeux en ligne sont autorisés, même les casinos. En Espagne, idem, mais les machines à sous sont interdites. Quant au Royaume-Uni, pays ultra libéral, tous les jeux sans exception sont autorisés par la loi.
Au final, pour améliorer le secteur des jeux d’argent en ligne, il serait indispensable que des coopérations plus importantes existent entre les Etats, et que des mécanismes de contrôle transfrontaliers soient mis en place.
Enfin, dernier point capital à aborder dans ce bilan de l’ouverture des jeux d’argent en ligne à la concurrence, le rôle de l’ARJEL.
Instaurée par la loi du 12 Mai 2010, l’Autorité de Régulation des Jeux En Ligne était la base même du modèle choisi pour le secteur.
Pourtant, rapidement, cette dernière allait connaître de vives critiques en raison du manque de prérogatives qui lui ont été accordées. En effet, si l’ARJEL a pour mission de contrôler le secteur et de sanctionner les contrevenants, force est de constater que les moyens de sanction à disposition de l’ARJEL sont des plus limités.
Et oui, entre l’absence de pénalisation des joueurs et la possibilité de ne suspendre qu’à titre provisoire et pour une durée de 3 mois les opérateurs, l’ARJEL ne dispose pas d’un important arsenal pour dissuader les acteurs ne jouant pas le jeu.
Les différents rapports parus depuis 2010 ont ainsi unanimement invité le législateur à doter l’ARJEL de pouvoirs de sanction plus étendus.
Néanmoins, dans la pratique, les statistiques de l’ARJEL sont excellentes et ce, même si ces prérogatives mériteraient d’être revues à la hausse.
En effet, en plus de 3 ans, l’ARJEL a contrôlé plus de 2000 sites, a demandé à plus de 1000 opérateurs d’effectuer des changements et a signalé près de 300 sites comme illégaux. Autant dire donc que l’ARJEL n’a pas chômé depuis sa création.
Pour autant, force est de constater que les opérateurs de jeux ne sont que peu, voire pas satisfaits du tout de la situation actuelle car pour eux, s’il y a bien un élément à revoir sur la réglementation en cours des jeux d’argent en ligne, c’est bien la fiscalité qu’il juge trop importante. Drôle de hasard, les entreprises en France, qu’elles soient très petites ou grandes, dans tous les domaines, se plaignent également d’un « ras-le-bol » fiscal.
Une fiscalité plus souple comme celle des pays voisins assurerait, selon eux, une vraie croissance au secteur et donc, à terme des recettes fiscales tout aussi élevées qu’aujourd’hui…
Reste maintenant à savoir lesquelles des idées proposées pour améliorer la réglementation en place seront sélectionnées par le législateur français. Selon les dernières nouvelles des propositions de l’Arjel lors d’une commission, la plupart ont été rejetées, notamment entre autres sur les jeux « skill games » et le poker en ligne.